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... le temps n’est pas pour Myung-Ok Han un sujet d’inquiétude. Au regard de la  manière dont la plupart d’entre nous vivons le temps, on dira que chacune de ses œuvres en exige beaucoup. Certaines - comme ses bols remplis d’un long fil de coton parfaitement enroulé –exigent même des heures durant une attention qui relève de la performance physique. L’indifférence de Myung-Ok Han au temps passé sur ses œuvres n’a toutefois, d’après elle, rien d’héroïque. Plus elle se concentre sur sa tâche, raconte-t-elle, plus elle perd la notion du temps et parvient à s’abandonner à une rêverie qui la transporte totalement    « ailleurs », non seulement hors des limites de l’atelier, mais également hors des limites du réel, hors des limites de la conscience, des limites du présent. Comme il y a une positivité de la fadeur, ainsi que l’a démontré François Jullien à propos de la culture chinoise il y a, en somme, une positivité du temps perdu. Myung-Ok Han a d’ailleurs intitulé plusieurs de ses expositions « Temps perdu ». Manière d’affirmer que ses œuvres sont les filles du temps qui coule. Manière taquine de rappeler, aux prisonniers du temps que nous sommes, que son écoulement continu est pareil à un mouvement de navette entre deux pôles et que, par conséquent, à toute perte correspond un gain, de même qu’à tout élément Ying correspond un élément Yang équivalent. Temps perdu/temps gagné : les deux termes sont indissociables, à l’image de ces bobines de fils détricotées d’un côté et lentement ré-enroulées de l’autre au moyen desquelles l’artiste exprime sa pensée du temps, tout en nous livrant, dans un raccourci visuel et poétique d’une remarquable limpidité, une clé fondamentale de la sagesse, de l’équilibre et de la sérénité.

                          Myung-Ok Han Eloge du temps perdu, Catherine FRANCBLIN

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